Smadja, Fais tourner
Salut
tas de blaireaux de service. Fais tourner !,
chez Julliard s'il vous plaît, représentait en 2001 et
représente peut-être encore « le roman de référence sur le
cannabis », en tout cas c'est écrit en quatrième de
couverture. J'ai maudit ce bouquin parce que la drogue, même douce,
est aux antipodes de mon petit fonctionnement. Lucie, petite amie du
narrateur, est de même, ce qui est paradoxal vu son prénom (Lucy
in the sky with diamonds, guimauve estampillée Beatles).
L'auteur veut vivre de ses poèmes et de son chanvre (j'ai appris que
c'était différent du kif). Et tout le monde phûme, p-h-u accent
cire ton sexe. Smadja prend tout à la légère, supprime les sujets
des verbes pour faire décontracté, va souvent à la ligne, compose
des vers de mirliton, use d'une fantaisie juvénile vachement datée
genre Dylan seventies, saute du coq à l'âne, présente des
personnages que je ne suis parvenu à identifier, à caractériser,
que bien après avoir lu la quatrième de couve, vu mon cerveau lent
et réfractaire.
À
présent j'ai compris que Lucile est la copine, avec laquelle on
partage la pine, que Ben est gros avec de toutes petites jambes
(« quand il veut se faire un ourlet à son pantalon, il le plie
en deux », c'est de l'auteur, ici, rires enregistrés), que
Solly est grand et déguingandé comme disent les assassins de la
langue française, qu'Arnaud est le frère de l'auteur (« y
pas plus con qu'Arnaud », rires). J'oubliais la sœur
du narrateur, qui fume, et Arnaud, frère de la sœur
et donc frère du frère, qui prétend ne pas fumer. Tout ce petit
monde fumeux provoqua l'inévitable embrouillamini des identités,
car l'auteur présente tout ça en vrac, avec esprit (rires) et dans
un état second, parmi les jeux de mots et les ricanements, hi-hi
ha-ha.
Le
dealer, c'est Max, évidemment, avec son prénom de salaud de
service. Un jour on tue Max, par maxident j'espère, et on le mure
dans une armoire après avoir acheté la maison où loge tout ce
petit monde nuageux, car la petite vieille propriétaire n'y voit
aucun inconvénient, pas très clairvoyante ou alors c'est bien
imité. De locataires, les fumailleurs deviennent propriétaires :
futé, non ? Ainsi, jamais les policiers ne remonteront jusqu'au
cadavre enveloppé dans du papier poubelle et je ne sais quelles
bandes de kraft. Et douze ans plus tard, Smadja, ou le narrateur,
ayant stoppé le shit, s'étant marié ou collé avec sa Lucie au
point de lui fabriquer deux enfants, se sent pris d'une irrépressible
et morale envie de tirer la situation au clair : ce cadavre, là,
chez lui, derrière sa muraille de parpaings, il veut le révéler au
grand jour en s'achetant une belle pioche de démolisseur.
Puis
il se dénoncera, mais récupérera de l'excellente came qu'il aura
perdue derrière le mur. Je m'en fous à un point astronomique,
hypogée de ma carrière de sous-commentateur. FIN. Edgar Smadja,
Fais tourner ! - roman creux chez Julliard, voici du
texte, aussi dense
que du Christine Angot : pages 24 et suivantes, ça se lit en
pensant à autre chose, un gramme de shit dans les hémisphères
cérébraux si cet adjectif n'est pas
excessif. Nous ne mentionnerons pas les innombrables alinéas, pour
faire poésie de la vape.
« Manières de fumer ?
Dans le temps, oui.
Avec les deux mains
Aspiraient avec leurs deux pouces réunis
Le pétard bien au fond entre le majeur et l'index.
Maintenant…
« - Messieurs, je leur dis à tous, depuis que j'ai
ce plan avec Max, il n'y a plus que moi qui achète. Je ne suis
pas Crésus. » Nous passerons aussi les lignes blanches
intermédiaires, pour faire bien relax genre Doc Gynéco. « J'exige
une cotisation.
« Rencontré Fabrice rue des Canettes.
« Passé l'après-midi chez lui.
Un mec que j'adore.
Fou d'échecs ». A la ligne à chaque petite phrase tout
de même. Quelle poésie. Quelle décontraction. Quelle sympathie
pour ce jeune homme si intelligent, pas si ravagé après tout.
« Il porte une queue de cheval, a fait la route, dort sur un
futon, ne mange même pas un œuf,
ne fume jamais de clopes
Que
de l'herbe.
Quand il en a.
Autrement se rabat sur du shit.
Correct.
Mais ne vaut pas le mien. »
Le futon est une literie venue
de l'Inde, puis, par la Chine, au Japon. Un matelas tout mince avec
un oreiller en haricots. Suit une magnifique discussion.
« Herbe ou shit ?
Les deux ont leurs adeptes.
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