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Affichage des articles du janvier, 2017

Traité d'intolérance

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Après Zemmour, Charb. On ne dira pas que je n'aime pas le risque. Pas le droit d'être médiocre. Tant pis, démerdez-vous. Le deuxième tome, chez Librio Idées, parut fin 2014, peu de temps avant sa mort. Il porte le titre des (et non "de Les", ignares) "Fatwas de Charb Petit traité d'intolérance Tome II". Fatwa formelle ou non, il est de fait qu'un magazine extrémiste publiait en 2013 un article appelant à tuer onze personnes, dont Charbonnier dit Charb. D'où le titre du second volume, pour faire pièce à la condamnation et braver l'assassinat. Mais le tome II prolonge le tome I, l'affaire des caricatures ayant déjà (en 2006) excité la verve dudit dessinateur et polémiste. Les deux volumes sont minces et plaisants, avec des images signées Charb et des chapitres courts, ce qui n'empêche pas de stimuler vos cerveaux en même temps que vos zygomatiques. Approximativement la longueur d'une rubrique rigolote de Charlie-Hebdo. Tous

Saussure à son pied

Saussure n'était pour moi qu'un nom. Très intrigant. Celui du commanditaire de Balmat et Paccard, premiers à franchir le Mont Blanc. Celui aussi du linguiste, son arrière-petit-fils, largement complété (Lévy-Strauss) ou combattu (Lacan) par la suite. Ferdinant Ferdinand de Saussure explora donc (linguistiquement) la Lituanie, (“on ne retourne pas en Lituanie”), pays dont la langue se rapprocherait le plus de l'hypothèse indoeuropéenne. Il s'agit même de patois lituaniens aujourd'hui disparus (schlektes vyrus pour “mauvais homme”, présentant à la fois deux racines, latine et germanique). Saussure interrogea des bergers, des vieilles femmes, des pasteurs. Il prenait des notes en allemand, ou en français, voire en latin. L'autrice est une Colombienne, profuse, parfois diffuse, incluant dans sa thèse tout ce qu'on relègue habituellement dans les notes finales : soulagement, mais aussi encombrement, car le lecteur avance dans des coulées de lave et de

Florence vue par Montesquieu

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Revoici Montesquieu dans ce qu'il a de moins bon, et que l'idolâtrie de toutes les écritures d'un certain homme dès qu'il est parvenu à une certaine gloire n'a pu s'empêcher de conserver. Déjà il nous avait abasourdi de la platitude de ses observations sur l'art et ses productions, quand ce n'était pas sur l'épaisseur de l'air dans les mines ou la différence des sudations entre le jour et la nuit. Ses observtions sur les statues ne sont que de fades considérations sur la forme des nez, des oreilles et des barbes, ou la conformité de ces œuvres à la « nature », à la ressemblance et au « bon goût » : ainsi trouve-t-il absurde ou risible ces plafonds d'église où l'on voit « des maisons, et des gens qu'on y torture ». Ou plus encore les représentations où le Christ paraît plusieurs fois dans les épisodes de sa vie, « ce qui nuit au bon sens ». Et notre négociant de s'esclaffer. Rien de plus commun dans ses descriptions que

Danser sa vie

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Je vous parle d'un temps que les moins de 50 ans ne peuvent pas connaître, aussi éloigné de nous que pouvaient l'être l'Ancien Régime des contemporains de Louis-Philippe. Le temps où nos esprits n'étaient point paresseux, où les facilités de penser n'engendraient pas les mêmes crimes mais d'autres. Le temps où Roger Garaudy, pas encore négationniste, décrivait dans un ouvrage magique, Danser sa vie, les plus hautes aspirations de l'âme incorporée et du corps animé. Nous étions déjà, en 1973, abrutis par le sport affairiste, la télévision alarmiste et la logique binaire d'affrontement : sur les circuits automobiles, déjà les voitures allaient de plus en plus vite pour n'aller nulle part, et les chevaux, preuves en mouvement de la beauté universelle, n'étaient représentés que dans la mêlée de la victoire. Notre époque n'est pas pire, en dépit des vautours et des hyènes que j'entends rôder autour de mon cerveau. Mais en plus d