Art bourguignon
La
toison d'or ?
qu'est-ce donc ? Un ordre de chevalerie prestigieux qui orna le
col de tous les grands dignitaires de Bourgogne à partir de 1429, où
il fut fondé par Philippe le Bon.Symbole de la splendeur d'une cour
qui a vu son pouvoir s'étendre des Flandres à la France-Comté,
sans compter le Charolais. Cette décoration se présente sous la
forme d'un collier richemebt paré, au bout duquel pend la dépouille
d'un antique bélier, dont
la toison fut conquise par Jason et Médée après maintes péripéties
héroïques et sanglantes, et nul doute que les poètes de cour
n'aient rattaché l'illustre famille de Bourgogne, de sang royal
français, aux héros de la grande histoire hellénique.
La
maison de Bourgogne, pendent la guerre de Cent Ans, défendit la
maison de France à son profit futur, pensait-elle, tandis que les
Armagnacs se seraient plutôt alliés aux envahisseurs anglais. Plus
connue sans doute, l'époque illustrée par le conflit entre Louis
XI, le prétendu roi cruel aux cages de fer, et le glorieux mais
stupide Charles le Téméraire : parfois « passe à la
télévision » le film où Roger Hanin, jeune et grassouillet,
incarne le fringant Duc de Bourgogne. Vous savez bien sûr que le
tout s'acheva par la défaite du fringant Charles dans les marais de
Nancy, gelés par l'hiver. Puis la Bourgogne rejoignit les domaines
de France, et ainsi disparut le dernier vestige du partage de
l'Empire de Charlemagne : à
l'ouest la Francie, ancêtre de la France, à l'est la Germanie, et
coincée entre les deux, dévolue au faible roi Lothaire, la
Lotharingie qui devint la Lorraine.
L'émission
que vous écoutez vous permet aussi d'apprécier l'ambiance musicale
de cet apogée de la Bourgogne. Cette
histoire est mal connue de nos manuels, centrés, au temps où nos
petits faisaient de l'histoire « qui ne se't à 'ien »,
sur les évènements liés au pouvoir parisien. C'est
HARDT
VANDEKÉ-ËN “LUMIÈRES,
LUMIÈRES”
LECAT “LE
SIÈCLE DE LA TOISON D'OR” 3
ainsi
que régulièrement, nous nous embrouillons dans l'ordre de
succession des ducs de Bourgogne, alors que seul compte dans nos
souvenirs le vainqueur, le rusé Louis XI, dont plus personne
aujourd'hui ne sait qu'il portait un petit chapeau aussi orné de
médailles superstitieuses qu'un couvre-chef de randonneur
autrichien. Ce qu'il faut considérer aussi à cette époque est
l'atmosphère à la fois de richesse, de luxe, et de piété,
profondément, corporellement ressentie. Huizinga nous en parle dans
son histoire du « Déclin du Moyen Âge ». Dieu était
physiquement présent dans les âmes, où
l'on pouvait s'élever dans des extases somptueuses.
Le
sacrifice du Christ était profondément ressenti, c'est l'époque de
L'agneau
mystique de
Van Eyck. Et le prêtre de faire pleurer son auditoire en évoquant
la saveur de l'agneau rôti, tout prêt à être consommé dans le
repas de la communion : jouissance de cannibales… et
raffinement extrême, ce n'étaient sans doute pas les mêmes
personnes qui salivaient aux sermons incongrus ou qui se
recueillaient devant les tableaux de maîtres. L'ouvrage de
Jean-Philippe Lecat représente une somme remarquable des œuvres
d'art produites en Flandres, en Bourgogne et en Franche-Comté
pendant les cent ans d'apogée du duché. L'art est à la fois
splendeur et représentation de l'ordre divin, leçon de Dieu et de
l'Incarnation.
Le
mystère bouleversant de cette Incarnation fait palpiter le ciseau du
graveur et celui de l'orfèvre. L'art est donc le point de rencontre
de l'opulence approbatrice de l'ordre du monde, et du tremblement
mystique.
« La
vérité qu'il a mission d'enseigner est pourtant, par essence,
dramatique. Les enfances du Christ sont cernées d'assassins, son
acceptation du sacrifice est une agonie, à sa mort : «Le voile
du Temple se déchira... ». Ave
crux, spes unica
est un chant de défi, une clameur d'espérance. Qu'il doive éviter
l'emphase, source de transgression, l'art en est averti par un
courant minoritaire mais influent qui le considère avec méfiance. »
Merci, regardez bien ça, lisez-le, pénétrez vouzan !
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