Ce serait comme si on parlait de Thucydide
Il
s'agit de la traduction de Roussel, plus fluide. Ce texte de
Thucydide se lit lentement. Sinon ça coule tout seul, c'est
dégueulasse. La couverture de ce livre de poche « Classique »
présente une redoutable simplicité. Les motifs s'en détachent sur
fond blanc. Au sommet, un liseré pourpre pâle, bien net, et une
bande blanche, nette au-dessus, rugueuse au dessous. Un tracé vert
cyanéen en effet, comme tracé au pinceau, laisse une trace
capricieuse mais sans trop, dans un souci de reconstitution
cnossienne, et déroule vers le bas trois boucles pointues en forme
de vagues dextrogyres.
Cela
donne sur le blanc, et à l'endroit cette fois, trois creux de vagues
symétriques, mais qui pourraient aussi bien représenter à leur
tour des vagues qui se lèvent, empanachées
d'écume. Donc, le creux et le relief s'intervertissent en fonction
du regard. Il me semble que cette frise était adoptée à Cnossos,
du moins ce qu'Evans a pu en épargner. En bas de la couverture, le
même phénomène se reproduit, en bleu profond tirant sur le violet.
C'est le bleu qui monte, cette fois, celui de la mer Égée
par exemple, et le blanc, le vide, le ciel, ce qu'on voudra, qui
occupe la position supérieure.
Nous
voyons à quel point le réalisme et le symbolisme se chevauchent,
pour un résultat ornemental aquatique particulièrement
adapté,
et prégnant. Harmonieusement disposés, les signes graphiques, par
leur raideur honnête, contrastent avec les caprices de la nature
maritime : THUCYDIDE, plus bas « La Guerre du
Péloponnèse » avec deux « n » comme en grec
ancien, Tome 2, et dans l'espace entre deux vagues, l'écusson
rectangulaire arrondi du Livre de Poche Classique, ce que l'on
appelle à présent un « logo », en bas à gauche.
L'auteur est en noir, le titre en pourpre clair ainsi que le bandeau
du haut.
La
mise en page est sobre, et tout se terminerait là, s'il n'y avait ce
petit rond noir au motif blanc et
figuratif. Il n'a pas pour vocation d'exciter l'observation, mais de
faire intervenir l'humain et le divin dans l'ordonnancement plus ou
moins géométrisé de la nature maritime. C'est un cercle, un
« tondo », comme on dira au XVIe
de nos siècles. De part et d'autre d'une lance verticale, un prêtre
en robe, à droite, et un guerrier en jupette hellène à gauche.
Le
soldat, courbé, les genoux fléchis, semble recevoir une couronne
glorieuse, avec l'humilité qui convient ; son front est ceint
d'un bandeau blanc. À
ses pieds, au sol, son bouclier bombé. Le prêtre,barbu, détourne
le regard et présente son profil droit. Son bras tend la couronne,
et l'autre, le gauche, se replie à l'horizontale, en retrait. En
1964, le crédit iconographique ne figurait pas encore sur le volume.
Nous supposons que
ce
vase existe, d'où le metteur en page a tiré ce détail, réaménagé
en cercle. Nous saurions alors pourquoi le prêtre détourne le
regard, maintenant de son poignet gauche un bâton sacramental qui
vient croiser en oblique, devant le bouclier posé, la lance
verticale. Le guerrier incliné tient de la main droite un triangle
blanc qui serait peut-être un pan du grand manteau de prêtre.
Rappel de l'Iiade, sans aucun doute.
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